Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/973

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pour prendre celuy de vostre vangeur, et toutesfois je ne voy pas qu’il y allast de vostre honneur, puis que personne ne le sçauroit, comme Isidore vous a representé. – Et si personne, dit-elle, ne le sçavoit, quelle vengeance serait la mienne puis que celle qui n’est point sceue, ny ressentie, est comme si elle n’estoit pas ? Voyez-vous, mon chevalier, je vous aime, mais comme je le doy et je voudrois bien me venger, mais sans m’offencer, et puis que cela ne peut estre de ceste sorte, n’en parlons plus, et tournons nostre pensée ailleurs. Les sages discours de ceste grande princesse nous osterent la parole, et nous firent dire d’une commune voix : Qu’elle meritoit de trouver un autre mary que Valentinian, ou Valentinian une autre femme qu’Eudoxe.

Et toutesfois le refus de ceste vengeance, qui peut-etre eust contenté l’esprit de ceste dame offencée fut cause qu’Isidore, ne laissant jamais son mary en repos, le sollicitoit continuellement à la venger de l’injure qu’ils avoient receue. Luy qui ne l’avoit point oubliée, mais qui ne dissimuloit que pour executer son dessein bien à propos, pensoit jour et nuict à ce qu’il avoit affaire. En fin ne voulant point une moindre vangeance que la vie de celuy qui l’avoit offencé, il jugea que s’il entreprenoit quelque chose contre l’empereur, les forces qui estoient entre les mains d’Ætius, et l’authorité et prudence de ce capitaine pourroient le mettre en danger de sa perte, et de celle de ses ennemis.