Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/980

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de me perdre avec elle, n’eust esté que par commandement de Valentinian, et par celuy d’Eudoxe aussi, dés qu’Aquilée fut assiegée, je fus envoié vers l’empereur Martian, demander secours. Mais je le trouvay fort refroidy envers Valentinian, tant à cause de la mort d’Ætius qu’il ne pouvoit approuver, que parce qu’Attila luy avoit mandé qu’il ne venoit en Italie, que pour obtenir Honorique, de laquelle il estoit devenu amoureux ; et sçachant que Valentinian s’opiniastroit à la luy refuser, il ne fit pas grand compte de le secourir en ceste necessité où il luy sembloit qu’il s’estoit reduit par sa mauvaise conduitte, et sans raison.

Cependant que je faisois ceste poursuitte, je tombay de sorte malade, que chacun me tint pour mort, et mesme il y en eut qui dirent à Eudoxe qu’ils m’avoient veu enterrer. Jugez quel sursaut fut le sien, et quel regret elle eust de ma perte, car je puis dire avec verité, que jamais personne ne fut plus aymée que moy. Elle n’avoit autre soulagement que celuy d’Isidore, à qui elle racontoit tous ses desplaisirs. Et lors qu’elle en estoit plus en peine, elle receut des nouvelles d’un des miens, qui par mon commandement avoit escrit à la sage Isidore, parce que je n’avois eu la force de tenir la plume, ny de voir les lettres. Mon mal fut dangereux, car c’estoit le pourpre, mais beaucoup plus long encores, parce qu’il m’avoit mis si bas que je ne pouvois me r’avoir, et demeura y plus de huict