Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/985

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dire, amy Silvandre, combien de fois de peur je la tins esvanouie entre mes bras ? combien de fois par mes ardans baisers je r’appellay son ame à moitié sortie de ce beau corps ? Et combien de fois je luy noiay le visage et le sein de mes larmes ? La haste que nous avions elle de partir estoit cause que nous estions presque seuls, et que la nuict, nous perdant par les chemins, nous fusmes contraints de nous arrester dans un bois où cherchant l’endroit le plus caché, je fis tout ce que je peus pour amoindrir l’incommodité du lieu sauvage. Elle n’avoit avec elle que ses deux filles, Olimbre et deux jeunes hommes qui avoient accoustumé de nous suivre ordinairement, et qui furent assez empeschez à garder nos chevaux, de sorte qu’il n’y eut toute la nuict aupres d’elle que ces deux jeunes prince ses, Olimbre et moy. Je me couchay en terre et elle mit la teste sur mon estomac, ses filles estoient à ses pieds, qui luy tenoient les jambes, et I’accomodames de ceste sorte le mieux que nous pusmes. Nous faisions dessein de nous eschapper d’Italie, et d’aller en Constantinople trouver Martian, parce qu’encores que nous ne sceussions que Maxime eust tué l’empereur, ayant fait faire ce meurtre par Thrasile, si est-ce que nous avions sceu qu’il avait pris le titre d’Auguste, et craignions qu’estant empereur, il ne voulust se venger sur elle de l’injure receue en la personne