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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/991

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de moy, tant nous avions vescu discrettement par le passé, et tant Isidore avoit esté discrette et fidele à sa maistresse.

Elle vient donc me voir, et feignant qu’il ne falloit pas que beaucoup de personnes entrassent dans ma chambre, elle laissa toute sa suitte dans une anti-chambre, et ne mena avec elle que Placidie la petite princesse, sçachant bien qu’olimbre l’entretiendroit et l’empescheroit de prendre garde à ce que nous dirions. Elle s’approche donc de mon lict, et s’assit au chevet, et chacun s’estant retiré, elle voulut parler, mais elle demeura longtemps sans le pouvoir faire. En fin voyant que les larmes me sortoient des yeux, et que je ne pouvois proferer une parole, tournant sa chaire contre le jour, parce qu’elle n’avoit voulu passer dans la ruelle, elle se couvrit, et par son ombre me cacha presque entierement, de peur que ceux qui me servoient ne peussent remarquer nostre desplaisir. Naus demeurasmes encor temps de ceste sorte sans dire mot.

Mais ayant repris un peu de resolution, je luy dis en fin ces paroles : A ce que je vois, madame, il n’y a personne qui ait perdu en ceste fortune que Valentinian et Ursace : luy, se voyant ravir la vie, son empire et sa femme; et moy, les bonnes graces d’Eudoxe. Mais combien est plus douce la perte qu’il a faite, puis que mourant il a perdu tout le ressentiment de son mai,