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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/992

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au lieu que la vie m’est seulement demeude pour ressentir mieux le mien, et pour me pouvoir dire le plus mal-heureux de tous les hommes qui vivent ! Elle me respondit, premierement avec des larmes qu’elle ne peut retenir, et puis avec telles paroles : Vous aussi, mon chevalier, vous vous aidez à me donner de la douleur, et au lieu de soulager et de plaindre mon mal, vous l’augmentez par vos reproches. Et bien ! puis que vous en avez le courage, j’advoue que je merite d’estre traictée de ceste sorte, et que le Ciel ny vous, ne sçauriez augmenter mes ennuis, car tout ce qui me reste à souffrir, qui n’est plus que la perte de ma vie, ne me peut estre que soulagement, puis que je cognois qu’Ursace ne m’ayme plus. – O Dieu ! m’escriay-je tant haut que je pus, transporté de l’offence que ces paroles me faisoient, et fus bien marry de m’estre escrié si haut, car deux ou trois personnes accoururent pour sçavoir ce que je voulois, ausquels je respondis que c’estoit un eslancement que j’avois senty en la blesseure de mon bras, et que cela estoit passé. Ils me respondirent qu’il ne faloit point remuer, de peur d’efforcer le nerf, qui estoit un peu offencé.

Et lors s’estant retirez, je repris ainsi la parolle : Comment, madame, Ursace ne vous ayme plus ? vous le pouvez dire sans rougir ? Et vous ne craignez point que le Ciel vous punisse de l’outrage que vous me faites ? Ursace ne vous ayme plus, madame ? Et