Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il faut ou que Damon cesse de vivre ou qu’il ne cesse point de faire son devoir. Celuy d’un chevalier, c’est de secourir les dames affligées : si celle-cy est accusée avec raison, Dieu le sçait ; quant à nous, nous devons tousjours plustost penser le bien que soupçonner le mal. Et puis Leriane estant celle qui l’accuse, il faut croire que c’est à tort ; ayant la cognoissance que j’ay de la malice extreme qui est en elle, je veux rendre encores cette preuve de mon affection à Madonte. Je sçay bien que tu diras qu’elle ne m’en sçaura non plus de gré, que des autres qu’elle a receues de moy, mais il n’importe, mon amy, je satisferay à mon devoir, et ce sera la plus grande recompense que j’en sçaurois désirer.

L’escuyer qui m’ouyt parler avec tant de resolution, me dit que, puis que je l’avois ainsi delibéré, il prioit Dieu qu’il voulust benir mes intentions, mais que si je voulois executer ce dessein, il ne falloit pas perdre une heure de temps, parce que le dernier terme que le roy avoit donné à Madonte finissoit le lendemain à midy, et que du lieu où nous estions, il y avoit par le droit chemin pour le moins cinq lieues jusques en la ville des Tectosages, et plus de huict à passer où estoient mes armes, chemin assez long pour n’y pas arriver à temps, si nous ne partions à l’heure mesme.

Sur cet advis, je me resolus de monter, incontinent à cheval, et de peur que le bon druide