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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/60

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parla de ceste sorte : Amy, ainsi les dieux te soyent favorables, dy nous en quelle contrée nous sommes, et quel est le mal que tu vas plaignant ? Adraste qui, comme je vous ay dit, n’avoit rien en sa pensée, que son amour, regardant ferme le chevalier, luy respondit : Elle est si belle, qu’il n’en y a point qui l’egale, mais Palemon me l’a ravie. Le chevalier pensoit qu’il parlast de la contrée, et Adraste entendoit de Doris ; surquoy il reprit tout estonné : Et comment estoit-elle à toy ? - Elle l’estoit par raison, respondit-il, et aussi sera-t’elle bien tienne, si tu ne portes ce fer inutilement, et si tu as le courage de tuer ce ravisseur du bien d’autruy. - Et qui est ce Palemon ? repliqua le chevalier. - C’est Palemon, respondit froidement le berger. - J’entens bien, adjousta l’estranger, qu’il se nomme Palemon, mais quel est-il, et quelle est sa condition ? A cette demande, Adraste commença de se troubler un peu plus qu’il n’estoit, et regardant d’un œil hagard le chevalier ; il respondit : Palemon, c’est celuy qu’Adraste n’ayme point. - Et, Adraste, reprit le chevalier, qui est-il ?

Alors le berger entrant du tout en sa frenaisie, fit un grand esclat de rire, et puis tout à coup se mettant à pleurer, il dit : Si la menteuse nymphe ne s’est pas souciée de son amour, Doris qui au commencement toutesfois en pleura, s’en alla en fin ; et quoy que je l’apellasse, elle ne tourna pas seulement la teste pour me regarder. Mais, dit-