Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/66

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prendre party, il estoit tantost le premier, et tantost le dernier de la troupe, sans s’arrester particulierement aupres de pas une de ces bergeres, et sur tout ne faisoit non plus de semblant de Phillis, que s’il ne l’eust jamais veue, dequoy Tircis entroit en admiration. Et apres l’avoir quelque temps consideré, il ne peut s’empescher de luy dire fort haut : Est-il possible, Hylas, que vous soyez aupres de Phillis, sans la regarder ? Hylas feignant de ne l’avoir point encores veue, tourna la teste d’un costé et d’autre, comme s’il l’eust voulu chercher, et en fin arrestant la veue sur elle : Je vous asseure, luy dit-il, ma feue maistresse, que j’ay tellement le cœur ailleurs, que mes yeux ne m’avoient point encore averty que vous fussiez icy ; mais, à ce que je voy, vous y estes aussi bien que moy, je ne sçay si c’est le mesme suject qui vous y ameine. - II pourrait bien estre semblable, respondit Phillis, mais nous y sommes avec differente compagnie ; car vous y estes avec le desir de voir la belle Alexis, et moy avec le regret de vous avoir perdu, et mesme au jeu de la plus belle, comme vous dites. - II ne falloit point, respondit Hylas, adjouster cette condition d’avoir perdu au jeu de la plus belle, pour augmenter le desplaisir que vous en devez avoir ; car si vous considerez bien la perte que vous avez faite, vous jugerez qu’elle, ne pouvoit estre plus grande, ny que vous ne pouviez rien perdre que vous deussiez avoir plus cher. - Et à