Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/715

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qui m’estoit arrivé, l’affection qu’il me souloit porter estoit tellement augmentée que sa femme mesme s’en estoit apperceue. Et parce qu’elle estoit d’un naturel fort jaloux, et qui ne vouloit point que personne eust part en ce qu’elle devoit posseder toute seule, elle commençoit de me hayr, et de faire resolution de m’esloigner de Rithimer, aussi-tost que je serois en estat de pouvoir marcher. Et voyant ma mere fort en colere contre moy, pour le refus que j’avois faict de Clorange, elle ne fit point de difficulté de le luy dire, et de fortune Clarine, sans qu’elles s’en apperceussent, ouyt tous leurs discours et me les raconta. Cet esloignement n’estoit pas celuy qui me faschoit, car au contraire j’en estois tres-aise, pensant par ce moyen, de revenir à Eporede, mais ce fut la cruauté de ma mere, qui jura en mesme temps que, le voulusse-je ou non, soudain que je serois hors de la presence de Rithimer, elle me feroit espouser Clorange. Ceste resolution de ma mere m’en fit prendre une autre, que peut-estre je n’eusse pas eue de long-temps, qui fut de me donner entierement à Arimant, et de fuir en toute façon la tyrannie de laquelle elle vouloit user sur moy.

Mais, pour revenir à Rithimer, le voyant entrer dans ma chambre, je dis tout haut à Clarine qu’elle dist à ces marchands que pour ceste heure ils s’en allassent, et qu’ils revinssent le matin, que j’acheterois volontiers de leurs toiles : et cela, je