Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/859

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mon ennemy, je le vous avoue. Mais y a-t’il rien de pire qu’un serpent, et toutesfois ceux qui ont la cognoissance des proprietez de chaque chose, ne laissent de s’en servir en leurs receptes pour le salut des hommes ; et les plus sages n’ont-ils pas accoustumé de tirer beaucoup de profit de leurs propres ennemis ? Et par ainsi, ne me dites plus, si je veux changer d’opinion pour Silvandre, mais voyons, si ce qu’il dit est bon ou mauvais. Quant à moy, qui suis nourry dans une pure et entiere liberté, il me fascheroit fort que deux doigts de papier barbouillé, comme celuy que vous avez faict escrire, me peust astreindre à changer de vie. Et toutesfois il est certain que, si nous lisons ce qui est mis icy, nous nous obligeons à observer ces articles, et toute obligation est en effect une contrainte, si l’on n’adjouste la condition que Silvandre nous a proposée. – Quant à moy, reprit Stelle, je consens qu’elle soit adjoustée aux nostres, car ma liberté m’est aussi chere qu’à vous la vostre. Mais parce que je crains qu’il n’y ait quelque malice cachée sous ces paroles, qu’on y mette en l’escrivant : Condition adjoustée par Silvandre. – J’appelle de ce jugement ; s’escria incontinent Silvandre, car je ne veux estre dans vos conditions, ny pour conseil, ny pour tesmoing. – Tu ne peux pas empescher, dit Hylas, que par force tu ne sois tous les deux, puis que chacun void que tu es tesmoing de ce que nous faisons, et que chacun a ouy que c’est par ton conseil que nous adjoustons