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se mirent en devoir d’exécuter le programme dressé par leur maitre.

Les deux sœurs montèrent à l’étage où était la chambre de Nicole. Jeanneton ailurna le feu pour chasser l’humidité, Nanette sortit du tiroir de la commode en acajou massif, à poignée de cuivre, deux paires de bas en fine laine blanche, elle prit dans l’armoire en chêne sculpté deux robes de soie brochées à ramages, l’une brune, l’autre violette, des jupons blancs brodés par la chère tante Nicole qui, invisible, était peut-être présente pour recevoir les visiteuses imprévues si sympathiques à son cœur. En quelques instants la transformation fut faite. Clotilde refusa le bonnet monté en dentelles. Agathe l’admit, elle n’avait oas l’abondante chevelure châtain clair de sa sœur.

Pendant ce temps, Jeanneton faisait le grand lit à colonnes, elle y mettait de fins draps, ourlés à jour et de bonnes couvertures.

Quand les deux invitées descendirent dans la salle où le souper était servi, René s’avança vers elles tout ému. Agathe dans le costume de sa bien-aimée tante Nicole la lui rappelait, il baisa sa main avec attendrissement.

Denise n’avait pas eu le temps de préparer un grand repas, mais ce qu’elle présentait fut trouvé exquis, les convives étaient affamés après leur épuisante randonnée. Ce fut des œufs à la coque, un pâté de canard, de la salade, de la crème fraîche battue avec ces petites fraises des quatre saisons qu’elle expliqua avoir eu l’idée de cueillir au jardin avant l’averse. Le tonnerre grondait encore en s’éloignant, les contrevents fermés ne laissaient pas voir les éclairs, la lampe carcel suspendue au-dessus de la table répandait une belle lumière. On était bien. Les quatre convives s’harmonisaient, tous à l’aise dans la simplicité franche de leurs cœurs. La divine Providence semblait avoir organisé les événements... pour eux.

Le lendemain matin, avant le jour, le Général prit congé de son camarade. Il devait gagner le train pour Nantes à quatre heures du matin afin d’arriver à temps pour monter dans la diligence des Sables d’Olonne où il devait être le soir.

René attendait l’aurore pour aller constater dans son jardin les ravages de l’ouragan et tâcher de réparer. Dès six heures, les servantes étaient à l'ouvrage, Jeanneton repassait les toilettes des demoiselles d’Allencourt séchées dans la nuit. Leurs capotes étaient totalernent perdues, le toquet fripé, les rubans tachés, les châles en crêpe de Chine à longs effilés de soie, restaient grippés et salis, les souliers à boucles étaient inservables.