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marches pour entrer dans sa boutique, aujourd’hui il faut descendre un peu. C’était lui qui, de tous ses confrères, donnait le plus de cassé, quand nous avions un sou. Nous le savions bien, nous l’honorions de notre clientèle.

« Il n’y avait pas encore d’école de gymnastique pour les enfants, mais nous n’en avions cure. Je vois encore ces énormes bouteroues qui formaient l’avant-garde de la grille de la Préfecture ; ils me paraissaient d’une hauteur prodigieuse ; qu’importe ! ils nous servaient de cheval-fondu, et c’étaient des galopades folles par bande de quinze ou vingt sauteurs, qui franchissaient ces géants ou qui s’abouchaient par terre ; on commençait par un bout et toute la ranche y passait ; à l’arrivée, il n’y avait jamais le même nombre qu’au départ.

« Et ces parties de cachette, où l’on s’aventurait dans tous les coins de Lyon. Les plus petites ruette les allées qui traversent, nous étaient connues, par elles on pouvait aller des Terreaux à la place Bellecour ; ce n’étaient plus des parties de cachette, c’étaient des chasses de Peau-Rouge, on allait, on pénétrait partout. Un jour, je ne sais comment, je me suis trouvé dans un édifice silencieux, avec des dalles sous mes pieds, une voûte sur la tête, et sur les murs jaunes des inscriptions noires : Dieu te voit… — C’est ici la maison de Dieu… — C’était le cloître des Chartreux. Je ne me doutais guère que j’y viendrais passer ma vie.

« Et cet autre plaisir de l’été si cher aux Lyonnais, la baignade. C’était la grande fierté des gones de Lyon d’être de bons nageurs. On aurait bien consenti à ne pas savoir ni lire, ni écrire, mais ne pas savoir nager, c’eût été trop grande déchéance. Il n’y avait défense paternelle ou maternelle qui pût arrêter. Par bandes, on alalit au ruisseau de la Tête d’Or, aux fossés d’enceinte, aux lônes de la Mouche, ou au grand Rhône. Quel orgueil alorss de faire correctement peter ses agotiaux, ou de piquer des têtes du haut des sapines, des plattes, voire des ponts. Je me souviens même d’une formidable décize accomplie un jour de Miribel à Lyon.