Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/127

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Quant aux beaux-arts, je dirai seulement quelques mots de notre architecture française, qui auront pour objet de faire remarquer son originalité pendant les grandes époques où elle a flori. Pour comprendre l’architecture française de 1100 à 1800, — sept siècles dont chacun a donné ses chefs-d’œuvre et ses catégories de chefs-d’œuvre, cathédrales, châteaux, palais, admirables séries, — il importe de se reporter au principe le plus délicat et le plus solide de tous les arts, qui est l’accord intime, et aussi profond que le permet la nature des choses entre la matière et la figure de l’ouvrage.

L’indissolubilité de ces deux éléments est le but incontestable de tout grand art. L’exemple le plus simple est celui que nous offre la poésie, à l’existence de laquelle l’union étroite ou la mystérieuse symbiose du son et du sens est essentielle.

C’est par cette recherche d’une liaison qui doit se pressentir et s’accomplir dans la vivante profondeur de l’artiste, et en quelque sorte dans tout son corps, que l’œuvre peut acquérir quelque ressemblance avec les productions vivantes de la nature, dans lesquelles il est impossible de dissocier les forces et les formes.

En ce qui concerne l’architecture, il faut s’accoutumer, pour en avoir une opinion exacte et en tirer une jouissance supérieure, à distinguer les constructions dont la figure et la matière sont demeurées indépendantes l’une de l’autre, de celles où ces deux facteurs ont été rendus comme inséparables. Le public confond trop souvent les qualités véritablement architectoniques avec les effets de décor purement extérieurs. On se satisfait