Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/91

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couvre le monde de ses œuvres. Une histoire véritable des arts montrerait combien de nouveautés, de prétendues découvertes et hardiesses ne sont que des déguisements du démon de la moindre action.

L’idée, la sensation, la soif de liberté se sont affirmées, prononcées d’autant plus nettement que le pouvoir s’est fait plus personnel dans son principe et plus administratif et impersonnel dans ses moyens et formes d’action. Quand il s’est tout concentré dans un individu, il devait, par conséquence, se munir d’un mécanisme de plus en plus réduit à la transmission et à l’exécution automatique des ordres venus du centre et de l’Unique.

Cela se fit en France au dix-septième siècle. C’était rendre une révolution non seulement désirable, mais concevable et possible. Toutes nos révolutions du siècle dernier ont eu pour condition nécessaire et suffisante la constitution centralisée du pouvoir, grâce à laquelle un minimum d’imagination et un minimum de force et de durée de l’effort donnent d’un coup toute une nation à celui qui entreprend l’aventure. Du jour où il apparût que s’emparer de deux ou trois immeubles et de quelques personnages suffisait à saisir le pays tout entier, l’ère des changements politiques par voie de violence soudaine et brève s’ouvrit. Le système créé par Richelieu et par Louis XIV autorisait et favorisait les imaginations à la Blanqui.

Mais ce n’est point là ce qui m’occupe à présent. Je songeais