Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/63

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Il le trouve « un monstre d’isolement et de connaissance singulière », et il l’explique, quoique à regret, par un orgueil de ces orgueils qui vous retranchent des vivants, et non seulement des actuels vivants, mais des vivants éternels ; — un orgueil qui serait tout abominable et quasi satanique, si cet orgueil n’était, dans cette âme trop exercée, tellement âprement tourné contre soi-même, et ne se connaissait si exactement, que le mal, peut-être, en était comme énervé dans son principe.

« Il s’abstrait affreusement du bien, me dit l’abbé, mais il s’abstrait heureusement du mal… Il y a en lui je ne sais quelle effrayante pureté, quel détachement, quelle force et quelle lumière incontestables. Je n’ai jamais observé une telle absence de troubles et de doutes dans une intelligence très profondément travaillée. Il est terriblement tranquille ! On ne peut lui attribuer aucun malaise de l’âme, aucunes ombres intérieures, — et rien, d’ailleurs, qui dérive des instincts de crainte ou de convoitise.… Mais rien qui s’oriente vers la Charité. »

« C’est une Île déserte que son cœur… Toute l’étendue, toute l’énergie de son esprit l’environnent et le défendent ; ses profondeurs l’isolent et le gardent contre