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Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 7, 1937.djvu/127

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spontanée de groupes très étroits, très fervents, et justement excessifs, d’où sortirent toutes les nouveautés et les idées qui ont transformé deux ou trois fois notre littérature et nos arts depuis cinquante ou soixante ans. Il est, en un certain sens, l’ancêtre de cet ésotérisme qui se trouve à l’origine du Naturalisme, du Parnasse et du Symbolisme. L’expérience a fait voir que les chapelles ont du bon. Le grand public a droit aux produits réguliers et éprouvés de l’industrie. Mais le renouvellement de l’industrie exige de nombreux essais, d’audacieuses recherches qui ne se peuvent instituer qu’aux laboratoires, et les seuls laboratoires permettent de réaliser les températures très élevées, les réactions rarissimes, les degrés d’enthousiasmes, les analyses extrêmes sans quoi la science ni les arts n’auraient qu’un avenir trop prévu.

Les quelques traits de Beyle que je viens de rappeler sont assez précieux, étant peu explicables. Ils dépendent sans doute de théories et de manies. J’y crois distinguer un certain calcul, une spéculation sur le lecteur futur, une intention sensible de séduire par le négligé et l’impromptu apparent, lesquels impliquent le seul à seul dans les rapports de l’auteur et de l’inconnu à séduire…

Idéologue à sa façon, Stendhal aimait les préceptes et les principes. Il se faisait des axiomes de conduite et d’esthétique ; il prétendait au raisonnement. Il n’est pas impossible qu’il ait assez raisonné ce qui nous semble assez peu raisonnable.

Quant aux manies, elles se voient. Mais qu’est-ce qu’une manie ?