Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 7, 1937.djvu/143

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mures charmants, ces sourires suspendus ne sont rien devant son regard qui opère sur la splendide assemblée et la lui transforme sans pitié en une hideuse collection de tares, de misères et de crimes secrets. Il ne voit çà et là que des maux, d’ignobles histoires ou des fautes ; il voit l’adultère, la dette, les avortements, les syphilis et les cancers, la sottise et les appétits.

Mais si profond que puisse être un pareil regard, il est, à mon gré, trop simple et systématique. Toutes les fois que nous accusons et que nous jugeons, le fond n’est pas atteint.



Il faudrait faire un Monologue de Stendhal. Il ne serait que de phrases de lui prélevées dans toute son œuvre, et jointes. On y lirait d’un trait tous ses problèmes :

Vivre. Plaire. Être aimé. Aimer. Écrire. N’être pas dupe. Être soi, et pourtant parvenir. Comment se faire lire ? Et comment vivre, méprisant ou détestant tous les partis.

Où vivre ? — L’Italie est sous les princes et les prêtres. Paris est d’un affreux climat, et tout le monde calcule. Peu de passion, trop de vanités. On peut y être homme d’esprit.

Reste l’avenir. (L’illusion de la postérité lui reste.) Il faut se faire une politique de la gloire future. Dans cinquante ans, ce qui me plaît plaira. Ce qui me fait moi animera les esprits qui disposeront alors de la gloire définitive. Alors on méprisera ce qui est célèbre aujourd’hui. On se moquera de Maistre et de Bonald. Chateaubriand et le style poétique seront devenus impossibles. D’ailleurs on s’ennuiera. On aura les deux Chambres, et