— Faites, Docteur. Ne vous gênez pas. Il n’y a pas d’offense… J’aurais pu être choqué de l’opinion contraire. Mais observez : plus on… abracadabre, comme vous dites, — et plus l’automatisme domine, plus il est visible, exigeant, immédiat.
— Ah, par exemple !…
— Mais oui. Comme en politique.
— Le Pharmacien ?
— Mais oui. Le Pharmacien d’en face. S’il vous hurle : Voleur ! Vous rugissez : Vendu ! …
— Et en avant !… C’est le combat des magiciens… Le rat se fait tigre…
— Le chat se fait lion
— Le tigre, puce…
— Et le lion, microbe… automatiquement…
— Graphocoque.
— Docteur, c’est toute l’histoire des temps modernes. Le poker universel, le poker de promesses, de menaces, d’injures, d’inventions et de dimensions, — le poker politique, économique, technique, littéraire, militaire… La course aux armements, aux perfectionnements, aux éblouissements…
— Mais ce fut toujours ainsi…
— Pas avec cette haute fréquence. Et c’est là le trait capital. Les « temps de réaction » sont devenus beaucoup, beaucoup plus courts… De plus en plus fort, de plus en plus grand, de plus en plus vite, de plus en plus inhumain, — ce sont des formules d’automatisme…
— Alors, nous vivons sous le régime de l’abracadabra automatique ?
— Mais oui… Si l’on fait dépendre la valeur d’une chose de l’effet de surprise qu’elle produit, vous arrivez à définir cette chose par cette seule valeur de choc… Savez-vous que ce n’est que depuis… un peu plus d’un siècle que la nouveauté d’une chose a été considérée comme une qualité positive de cette chose ?
— Parfait… Voilà qui est parfait pour la fameuse Histoire de la Thérapeutique… Vous avez insinué tout à l’heure que l’organisme lui-même appréciait le neuf, se dégoûtait en quelques années de la médication régnante, refusait de guérir si on ne l’intéressait pas par des irritations inédites.