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Page:Valbezen - Les Anglais et l’Inde, 1857.djvu/418

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LES ANGLAIS ET L’INDE.

dans les eaux du Gange, aux premiers jours d’avril, à l’endroit où Vishnou, partant du pied gauche, suivant la tradition, commença l’enjambée célèbre qu’il termina dans lile de Ceylan, prodige de gymnastique qui dépasse de cent coudées le pouvoir locomoteur que les contes de Perrault prêtent aux bottes célèbres du Chat botté et du petit Poucet. Les livres saints assignent pour théâtre à ce pas mythologique l’endroit où le Gange, après avoir côtoyé le versant des montagnes Sirwali, se décide enfin à lancer ses eaux dans les plaines de l’Inde. La réputation de sainteté de ces lieux est si bien établie que la configuration du terrain ayant obligé les ingénieurs à faire la prise d’eau de cette grande œuvre, le canal du Gange, presqu’à l’endroit même désigné par la tradition native, les brahmes prétendirent longtemps que tous les efforts de l’art seraient impuissants, qu’un dieu comme le Gange ne se laisserait pas déranger dans sa course par les travaux des hommes, qu’en un mot l’eau ne coulerait jamais dans les artères du canal. Inutile d’ajouter que le dieu-pioche a eu raison du dieu mythologique, et qu’aujourd’hui le flot bienfaisant du canal du Gange met à l’abri des atteintes de famines périodiques une population de plusieurs millions d’individus, et témoigne glorieusement de la puissance européenne dans l’Inde ! Disons aussi que tous les douze ans les fêtes du pèlerinage prennent un caractère particulier de sainteté, et que, par un heureux hasard, nous sommes dans une de ces années favorisées.

Il ne sera pas inutile, avant de tenter l’esquisse de la