Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/412

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allons faire un bruit de tonnerre dans une vallée silencieuse ; nous allons fouetter avec du plomb l’air lourd qui pesait sur nos têtes.

C’est mon premier matin d’orgueil dans ma vie, toujours jusqu’ici humiliée et souffrante : Est-ce la peine de la mener longtemps ainsi, — pour aboutir à l’imbécillité, des maniaques à cheveux blancs ?… Plutôt disparaître tout de suite dans une mort crâne.

Prenons ma plus belle chemise, pour que j’aie bonne figure dans mon linge, si c’est moi qui tombe.

Je cherche l’attitude qu’il faut avoir, le pistolet à la main, et je regarde dans la glace si j’ai grand air en mettant en joue.

« Ne laissez pas voir de blanc, m’a-t-on dit. »

Je me suis boutonné, de façon à ne pas livrer un éclair de chemise.

Mes témoins entrent.

« Avez-vous bien réfléchi ? L’affaire ne peut-elle pas s’arranger ?… »

C’est à les souffleter.

« Au moins, vous n’échangerez qu’une balle, n’est-ce pas ? »

Et ils me tapent dans le dos et me disent comme à un moutard : « Voyons ! il ne faut pas faire le méchant comme ça ! »

C’est pour eux, pour leur paraître brave, c’est pour le public fait de niais de ce genre, que je vais en appeler au hasard des armes !

Avec cela, ils commencent à me coûter cher.

Ce n’est pas avarice de ma part, mais je rage de les