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AUVERGNE

Qui porte la tintante clochette et paît, cinq mois, libre, en plein air.

(Fleurs de bruyère.)


L’ÉCIR

Quand nos monts, hérissant leurs neigeuses crinières,
Se cachent dans le ciel que l’on voit s’obscurcir,
Lorsqu’un vent subit hurle au fond dos sapinières,
Comme un troupeau de loups cingles par des lanières,
Et qu’on entend beugler les vachea, c’est l’écir.

En hiver, cependant que, resserrant leur cercle
Sous la lampe, les miens entourent le loyer
Où la bouilloire fait tressauter son couvercle,
Combien de fois, assis sur mon coffre on noyer,
J’écoute, frissonnant, sa voix rauque aboyer !

Et je songe que, vers quelque pauvre chaumine,
À cette heure — courbant le dos, fermant les yeux,
Sous la neige qui vole en essaims furieux —
Plus d’un pàtre attardé, plus d’un vacher chemine
Dans la nuit, qu’un retlet du sol blanc illumine.

L’écir, mêlant les sifflements et les abois,
Tourbillonne à travers le plateau qu’il balaie,
Va l’on entend craquer les sapins dans les bois,
Et, sous la lune pâle, un instant dévoilée,
Les pics neigeux semblent crouler dans la vallée.

L’homme, que la tempête et la marche ont lassé,
Pousse un cri ; mais sa voix sinistre l’épouvante ;
Et, perdu, seul, parmi cette blancheur mouvante,
Il s’arrête ; et, soudain, par la mort enlacé,
S’endort et glisse aux plis d’un suaire glacé.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Et ces soirs-là, tandis qe l’écir se lamente,

Que pouorto l’esquillo trinairo
E pai, cinq mes, libro, en plen er.

(Flour de brousso.)