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LES POÈTES DU TERROIR

La chaîne du Cantal, tout entière, s’étale :
Voici la dent de Plomb, ce colosse trapu,

La corne du Griou, le pic svelte et pointu,
Le Puy-Mary… C’est bien la montagne natale ;
Et ces gens de nature un peu fruste et brutale.
Ces Arvernes au front volontaire et têtu,

Ces âpres « chineurs », ces « roulants » aux dures âmes
Se mettent à pleurer soudain comme des femmes,
Sans se cacher, leurs pleurs s’écrasant sous leurs doigts ;

Oubliant l’espagnol, ils clament en patois :
Quo’i l’Ouvernho : li som[1]! et tous, à perdre haleine,
Brandissant leurs chapeaux, galopent dans la plaine.

(En plein Vent.)


PANORAMA D’AUVERGNE

Vers fin octobre, — époque où la bécasse émigre, —
Nos sous-bois auvergnats sont tout soie et velours.
Aux arbres des brocarts flottent, dorés et lourds ;
Le sol est moucheté comme une peau de tigre.

Des champignons gonflés de ferments vénéneux,
Dans les mousses, aux tons fanés de chrysanthèmes,
— Aigues-marines, verts jaunis, roses vineux, —
S’étalent, purulents comme des apostèmes.

Dégageant un relent de feuillage moisi,
Avec des plis moelleux de dentelles légères,
Et l’éclat somptueux d’un satin cramoisi.
Majestueusement se meurent les fougères.

Et, dans l’ombre des bois, trouant leur dais vermeil,
Parfois, le long d’un tronc, au flanc de quelque roche,
— Javelot qu’une main invisible décoche, —
Glisse, oblique et vibrant, un rayon de soleil.

Ainsi que d’un fourreau de velours une dague,
D’une touffe de mousse une vipère sort ;

  1. « C’est l’Auvergne, nous y sommes ! »