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VIII
INTRODUCTION

ference de ceux qui en reçurent le précieux dépôt, et croire que leur mort précédera de peu celle de nos coutumes locales ? Cette question est trop complexe pour prendre place ici. S’il y a des causes profondes et diverses de l’extinction des patois, telles que l’enseignement primaire, la multiplicité des moyens de communication, qui uniformisent du Nord au Midi toutes nos sous-préfectures, l’obligation au service militaire et surtout la centralisation des pouvoirs administratifs, il ne faut pas croire pour cela que ce qui faisait le charme de nos vieilles cités et la personnalité de leurs habitants puisse disparaître avec eux. Il y a, certes, une transformation de nos mœurs, mais la province ne périra pas. Déjà, au contraire, nous lui découvrons une vitalité nouvelle. De ce que le français règne en maitre, il ne doit pas s’ensuivre une interruption du génie local.

Est-il nécessaire, après cela, de rappeler l’intérêt qui s’attache à la connaissance des patois ? Nous avons fait une assez large place à ceux-ci pour que l’on ne nous accuse pas de les avoir négligés. On se rendra compte de ce qu’ils ont produit de vraiment particulier en parcourant notre « choix », lequel s’étend des premières années du xvie siècle jusqu’à nos jours. Leur éloge d’ailleurs n’est plus à faire. Charles Nodier s’écriait en exaltant leur mérite : « Tout homme qui n’a pas soigneusement exploré les patois de sa langue ne la sait qu’à demi. » Nul n’ignore les ressources que nos meilleurs écrivains en ont tirées[1].

  1. « La connaissance des parlers provinciaux, écrit M. Mario Roques (Journal des Débats, 5 févr. 1903), est le complément nécessaire de l’étude du français. Celui-ci n’est, à l’origine, qu’une variété, propre à l’Île-de-France, du latin importé par la conquète romaine, et la comparaison avec les autres représentants du latin en Gaule peut seule éclairer bien des points de son histoire. Si d’ailleurs, grâce aux hasards de la politique, le français conquit la prééminence, ce ne fut pas sans avoir emprunté aux autres parlers gallo-romans, ses frères et égaux, nombre de mots, tours ou particularités de prononciation. Par contre, en devenant langue d’État et langue littéraire, il abandonnait peu à peu aux patois beaucoup de mots de l’héritage commun. Les études dialectales nous permettent de retrouver l’origine des uns, les traces des autres.

    « Même dans sa gloire de langue nationale, le français continua ses emprunts, De tout temps les écrivains ont francisé des provincialismes:les auteurs du xvie siècle en sont pleins; Malherbe les