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BÉARN

menues productions du chevalier Despourrins. Avec Despourrins, la poésie béarnaise connut l’apogée de sa grandeur. Bien que l’inspiration de ce poète rappelle trop vivement Théocrite et Virgile et ne renouvelle guère le genre des Racan, des Segrais et même des Fontenelle, ses chants n’ont cessé d’être goûtés par ceux-là qui les lui inspirerent. Tendres et mélancoliques, ils ont un charme qui les distingue de tout ce qu’on pourrait leur opposer ou leur comparer. Ces airs menus, ces couplets gracieux, où les mœurs et les usages des bergers survivent en un décor qui leur est propre, ce n’est peut-être pas l’image fidele du Béarn, ainsi qu’on l’entend de nos jours, mais c’en est l’idéalisation. Et c’est si vrai, que l’art n’a guère évolué sur ce sol et que les rimeurs qui depuis s’y sont succédé n’ont jamais mieux exprimé leurs sentiments et ceux de leurs compatriotes qu’en recourant à l’imitation de l’aimable chanteur qui les précéda.

La liste serait longue des élèves de Despourrins. Nous n’avons guère l’intention de la dresser ; on nous passera seulement quelques noms parmi ses heureux continuateurs. Tout d’abord Henri d’Andichon, noëlliste, mêlant le goût de l’idiome national au souvenir de l’ancien français, puis Théophile Borden, né a Izeste (1722-1776), grand médecin du xviiie siècle que de graves préoccupations ne détournèrent pas de la poésie locale. On lui donne une petite pièce commençant par ce vers : Pay, may, rays et sourines (Père, mère, frère et sœurs), d’une saveur tout archaïque et que les montagnards entonnent encore aujourd’hui. Après Bordeu, citons Paul-Jérémie Bitaubé (1732-1808), traducteur d’Horace et versificateur champêtre, Pierre Honcastremé (1742-1815), avocat brouillon et polygraphe (on lui attribue sans preuve des pièces d’origine douteuse) ; Nicolas Cazalet (1743-1817) ; Casaux, et surtout Mesplès (lisez de Mesplès), avocat général au parlement de Béarn, dont les vers rieurs et bachiques n’ont rien perdu de leur pureté[1]. Nous abordons enfin le xix{{e} siècle sans que la production poétique diminuât. Au contraire, semble-t-il, les rimeurs béarnais n’ont jamais paru aussi nombreux.

Voici d’autres poètes du cru : Vincent de Bataille ; Marie Blanque d’Osse (1765-1849), poétesse du genre des « vocératrices » de Corse, et dont les aurosts[2], sortes de lamentations rythmées,

  1. Les gracieuses compositions de Mesplès ont été recueillies en partie et publiées par Vignancour dans ses recueils collectifs.
  2. Quelques-uns de ces curieux poèmes ont été recueillis par Vignancour. « C’était un usage, encore pratiqué dans la vallée, il y a quelques années, — écrivait ce dernier éditeur en 1852, — mais qui chaque jour tend à s’effacer, d’accompagner par des chants funèbres les morts jusqu’à leur dernière demeure. Ces chants, composés,