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LES POÈTES DU TERROIR

Jamais ton nom français n’a brillé dans un vers !
Quoi ! jamais ? Dédaigneux de ton humble mémoire,
La lyre ou les pinceaux n’apprendront à la gloire
Quel nom te fut cherché dans les antres profonds,
Dans les flots écunieux, dans les gouffres sans fonds,
Ton nom mystérieux : la Creuse ?
Oh ! vers nos rives
Ramenez sans dédain vos traces fugitives,
Orgueilleux voyageurs qui, par d’âpres chemins,
Vous ouvrez l’Helvétie ou les tombeaux romains ;
Enchaînez votre amour sous le ciel bleu des Gaules.
Rome, j’ai vu le Tibre : et là-bas, sous des saules,
Du fleuve paternel que les bords sont plus beaux !
Heureux qui, vers le soir, errant sur nos coteaux,
Réveillera le vol de la plaintive orfraie.
Verra fuir l’écureuil sous la châtaigneraie,
La lune sur nos buis endormir sa blancheur.
Plus loin trembler dans l’eau les torches du pêcheur :
Puis, l’aube ranimant nos fleurs et nos ruines,
Les pâtres suspendus sur le flanc des collines ;
Remonter la rosée entre ces arbres noirs,
£t le milan qui plane au fond des vieux manoirs.

II

Ô génie inconnu ! poète que j’implore,
Pour trouver des accents que l’avenir honore,
De nos chastes vallons viens consulter les fleurs,
Famille aux doux parfums, peuple aux mille couleurs ;
Viens parcourir ces monts qui jamais sur les ondes
N’ont vu fuir en vaisseaux leurs forêts vagabondes…

III

Oh ! viens rendre à nos bords l’amour des pèlerins.
Là, la vieille romance a gardé ses refrains ;
Là, le fier laboureur redit encor la honte,
La fuite des Anglais que la Creuse raconte ;
Et quand, le front paré de grâce et de rougeur,
La jeune fille aura pour l’errant voyageur
Etendu son manteau sur nos âpres rivages,
Apaisé de son chien les aboîments sauvages,