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BERRY


Plus loin dort, sous le cîel d’automne,
Un paysage monotone :
Damier sempiternel aux cases de vert cru.
Que parfois un long train fuligineux qui tonne
Traverse, aussitôt disparu.

Les boucs ne songent pas aux chèvres,
Car ils broutent comme des lièvres
Le serpolet des rocs et le thym des fossés ;
Seuls, deux petits chevreaux sautent mutins et mièvres
Par les cheminets crevassés.

Les fillettes sont un peu rousses,
Mais quelles charmantes frimousses,
Et comme la croix d’or sied bien à leurs cous blancs !
Elles ont l’air étrange, et leurs prunelles douces
Décochent des regards troublants.

Pendant que chacune babille.
Un grand chien jaune dont l’œil brille.
L’oreille familière à leur joli patois,
Les caresse, va, vient, s’assied, court et frétille,
Aussi bonhomme que matois.

Et les deux petites gardeuses
S’en vont, lentes et bavardeuses.
Enjambant un ruisseau, débouchant un pertuis.
Et rôdent sans songer aux vipères hideuses
Entre les ronces et les buis.

Or, l’odeur des boucs est si forte
Que je m’éloigne ; mais j’emporte
L’agreste souvenir des filles aux yeux verts :
Et, ce soir, quand j’aurai barricadé ma porte,
Je les chanterai dans mes vers.

(Dans les Brandes.)


PAYSAGE GRIS

Déjà cette prairie, en commençant l’hiver,
Étendait son tapis d’herbe courte et fripée ;
Elle languit encor, de plus en plus râpée.
D’un gris toujours plus pâle et moins mêlé de vert.