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LES POÈTES DU TERROIR


CRY POUR L’ABBÉ DE L’ÉGLISE D’AUXERRE
ET SES SUPPOSTS


Sortez, saillez, venez de toutes parts,
Sottes et sotz, plus promps que lyepars,
Et escoutez nostre cry magnifique ;
Lassez chasteaux, murailles et rempars,
Et voz jardins, et voz cloz, et voz parcs,
Gros usuriers qui avez l’or qui clique ;
Faictes fermer, marchans, vostre boutique,
Grans et petitz, destoupez voz oreilles,
Car par l’Abbé, sans quelconque traffique
Et ses suppostz orrez demain merveilles.

N’y faillez pas, messieurs de la justice,
Et vous aussi, gouverneurs de police,
Admenez y vos femmes sadinettes.
En voz maisons lessez-y la nourrice,
Qui aux enfans petitz leur est propice
Pour les nourrir de ses deux mamellettes.
Jeunes tendrons, gaillardes godinettes.
Vous y viendrez, sans flacons et bouteilles,
Car par l’Abbé, sans porter ses lunettes,
Et ses suppostz, orrez demain merveilles.

Marchans, bourgeoys, vous, gens de tous mestiers,
Boucliers, barbiers, cordonniers, savetiers,
Trompeurs, fluteurs, joueux de chalumeaux,
Trouvez-vous y aussi, menestriers,
Hapelopins, macquereaux, couratiers,
Et apportez de voz bons vins nouveaulx ;
Badins, touyns, aussi mondains que veaulx,
Vous, vignerons, laissés vignes et treilles,
Car par l’Abbé, sans troubler voz cerveaux,
Et ses suppostz orrez demain merveilles.

Faict et donné, en ung beau jardinet,
Tout au plus près d’un joly cabinet
Où bons buveurs ont planté maint rosier :
Scellé en queue, et signé du signet.
Comme il appert de Desbridegozier.

(Les Œuvres de Maistre Roger de Collerye ; 1536.)