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BOURGOGNE

MON ÉPITAPHE
virée en bourguignon[1]


Ici gît si peu que rien : — Un drôle qui s’appelait Brehaigne : — Natif de Dijon vers Talant, — Qui n’est maintenant ni gai, ni triste, — Il ne fut ni maître, ni clerc, — Ni colonel, ni porte-enseigne, — Ni capitaine, ni soldat, — Non pas même à la sainte Hostie : — Il ne mania pioche ni fléau, — Cric, équerre, serpette, ni cognée ; — 11 ne fut ni prêtre, ni corbeau, — Juge, procureur, ni bourreau, — Peu ni prou durant sa vie, — Fit-il pas bien de n’être rien ? — Formé d’un peu de boue devenue cendre, — N’est-on pas bien gras sous terre — D’avoir, sur cette terre, été quelque chose ?


MON ÉPITAPHE
virée en bourguignon et à laquelle je donne ma prédilection


Ici gî si pecho que ran ;
Ein drôle qui s’épeloo Breigne ;
Natif de Dijon vé Tailan ;
Qui n’a mazeu ni gai ni greigne.
Ai ne fu ni moaître ni clar,
Ni coronel, ni pot-ansaigne,
Ni caipitène, ni soudar.
Non pas moime ai lai saint Ostie[2] ;
Ai ne màgni fessou, ni fliàa,
Cri, aiquàre, gouizo, ni cognie ;
Ai ne fu prête, ni coréa,
Juge, procureu, ni boréa,
Pécho ni prou duran sai vie.
Fit-i pas bé de n’ête nun ?
Fai d’eiu chicelô devenu çarre,
N’a-t-on pas bé gras desô tarre
D’ai voi su tarre était quécun ?
Finis, cinis.

  1. Cette traduction est due à Abel Jeandet, de Verdun-sur-Saône.
  2. C’était la procession d’une hostie miraculeuse qui attirait beaucoup d’étrangers à Dijon ; cette relique fut brûlée pendant la Révolution.