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BOURGOGNE

Partout mon libre instinct ! À monter, à descendre
J’excellais, et souvent mon absence jeta
L’alarme et la douleur au sein qui me porta.
On me croyait perdu lorsque sur toi, Nature,
Je me roulais, fuyant, trop fière créature,
Ce premier pas qui mène aux études sans fin !
Ah ! les fortes leçons qu’exhalait ton grand sein !

Quand maintenant je viens, de mes luttes lointaines
Meurtri, me retremper au frais de tes fontaines
Et contempler encor tes verdoyants contours,
Terre aux flancs argileux chargés de tant de jours,
Il me semble renaître à ton grave sourire,
Tel qu’aux temps où sur moi s’exerçait ton empire !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Nul barde n’a chanté ta gloire et ta rudesse,
Cependant ! nul n’a dit ce que tient de tendresse
Et d’agreste bonheur ton sein fauve et rugueux !
Nul n’ayant peint tes bois, tes monts, tes vallons creux
Et les robustes cœurs qui luttent sur ta terre,
Auxois, sol ferme et fort, où Buffon, solitaire
Dans sa tour de Montbard, tenta de déchirer
Ce voile où la Nature aime à se retirer,
Hors Buffon, qui de toi prit l’haleine puissante,
Et, durant soixante ans, d’une main incessante,
Compulsant, écrivant, te peignit par endroits,
Nul ne t’ayant chanté, j’élève, moi, la voix !

(Nouvelles Géorgiques.)