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ALSACE

Quand au sommet du toit, après un long voyage,
Elle aperçoit le lit dressé pour son usage
Par l’hôte prévoyant,
Qu’elle l’orne de brins de roseaux, et s’empresse
D’entourer de transports et de chaude tendresse
Un époux confiant.

Mais aujourd’hui, craignant la froidure et la glace,
Le peuple entier va fuir les plaines de l’Alsace
Et ses clochers aigus ;
Le sable égyptien blanchira sous leur plume,
Et la vague du Nil roulera dans l’écume
Des mets à leurs tribus.

Sans doute elle pourrait, changeant ses habitudes,
Réjouir nos villas au lieu des solitudes
Où se complaît son vol,
Et, faisant le métier d’un obscur domestique,
Délivrer nos buissons de l’insecte aquatique,
Rebut du rossignol.

Mais non ; pourquoi te rendre à plaisir triste et morne,
Oiseau chéri ? pourquoi t’incliner sous la borne
Qui sépare deux champs ?
Cultive en paix dans l’air tes vertus naturelles,
Soulago un père infirme, et sur tes longues ailes
Prends tes faibles enfants.

Nous y perdrons de voir les nôtres, en leur ronde,
T’entrainer aux ébats d’une gaieté féconde
Et de folâtres jeux ;
Au moins tu garderas ton premier caractère,
Celui de contempler d’un œil calme la terre
Et les flots orageux ;

Pars, vole à ton désir, et fends l’espace immense,
Que ta course s’achève ainsi qu’elle commence,
Exempte de dangers,
Toi dont le meurtrier mourut en Thessalie,
Et dont les Lucullus respectèrent la vie,
Secours de leurs vergers.

Mais tandis que sans bruit tu le perds dans la nue,
A d’autres voyageurs s’attache encor ma vue :