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BRETAGNE

BRÉDÉRAC
petite maison de campagne de l’auteur


… Dès que le doux Printemps ranime la nature,
Je quitte, gai comme un pinçon,
Ma natale Bicoque, où le noir Aquilon
Fait durer plus qu’ailleurs la piquante froidure ;
Et je vais, afourché sur un mince grison,
Habiter en campagne une antique maison,
Dont la rusticité traça l’architecture.

Ce petit Castel, dont le nom
Fournirait à P** le sujet d’une histoire.
S’appelle Brédérac ; et sa terminaison
Gaillardement en ac, me laisse presque croire
Qu’établi par hasard dans le pays Breton,
Un Cadet de Gascogne eût été son patron.

L’œil découvre, approchant de ce manoir fertile,
Sur un riant donjon fait d’ardoise et d’argile,
Deux Canons braqués, dont le bruit
Ne réveilla jamais la bergère tranquille,
Qui jusqu’au chant du coq profite de la nuit.

Ces instruments guerriers, dont la bouche à personne
Ne dit jamais un petit mot,
Ne sont pas les enfans de l’airain qui bouillonne,
Mais la famille sage et bonne
De la coignée et du rabot.

Je les ai pourtant vus, moins propres pour Bellone,
Qu’au service galant de la belle Vénus ;
Je les ai cent fois même en sursaut entendus,
Lâcher avec fracas dans les airs leurs volées ;
Mais c’était de moineaux tendres et turbulents,
Nichés au retour du Printems,
Dans leurs cavernes reculées.
D’ailleurs, si, comme on dit, le signe vaut le jeu,
Muets simboles du tonnerre,
Paisibles ennemis et du fer et du feu,
Ces canons de forêt peuvent, en cas de guerre,