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LES POÈTES DU TERROIR

Intimider l’Anglois sur nos côtes poussé,
S’il parvenait à prendre terre,
À travers les écueils et le sable entassé.

Muse, allons plus avant : l’ocre vermeil rehausse
Et montre de loin mon portail,
Non pour y recevoir un superbe carosse,
Mais la charrue et le bétail
Tel était, si Maron me l’a bien fait entendre
Dans ses vers toujours pleins et de mœurs et de sens,
Le portail du palais d’Evandre,
Que son âme égaloit aux Rois les plus puissans.

L’escalier est de pierre, et la main maladroite
Du Ma[ç]on, dont jadis le goût défectueux
En fit la rampe trop étroite,
Sans prévoir de nos jours le goût voluptueux,
Oblige les Dames de Ville
De détacher en bas le volume inutile
De leurs paniers larges et fastueux :
Ornement de caprice, attirail difficile.

Qui comme les vaisseaux, frégate ou paquebot,
Fait naviguer sur terre Amarante à la voile,
Joüet de l’Aquilon, prête à faire capot,
Et grelotante dans sa toile.
Mais charmantes sans art, simples dans leurs façons,
Indépendantes de la mode,
Perrette au fin corsage, Alix aux yeux fripons,
Le montent sans froisser leurs légers cotillons,
Dont le contour modeste au degré s’accomode.

Cet escalier conduit du portail rubicon
Dans une claire galerie :
Suspendus par paquets l’échalotte et l’oignon,
La fay[e]nce et l’étain, font en toute saison
Ses bustes, ses tableaux et sa tapisserie.

Pour connoître en ces lieux de chaque appartement
Et la place et l’ameublement,
Il n’est pas besoin qu’on y mette
De numéro ni d’étiquette.
Les désignant pompeusement
Par chambre rouge, violette,