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BRETAGNE

Jaune, verte, jonquille ; on voit en un moment
Ce que c’est que mon logement.

Premièrement une cuisine,
Une chambre à la file, au-dessus un prenier,
Où, quand la nuit revient, la gaillarde fouine
Danse le rigodon, capriole, lutine ;
Au niveau de la rue un pressoir, un cellier,
Où le raisin se foule, où son jus se rafine ;
À côté, l’étable confine
Aux Pénates du métayer,
Où, comme dans une coquille,
À l’étroit, je ne sçai comment,
Habite toute la famille,
À la Persanne apparemment.

Deux lits, mon pupitre, six chaises,
Une armoire, un bahu de gothique façon ;
Telle est la chambre, où le garçon,
Avec le peu qu’il a, de son mieux prend ses aises,
Mais sans hipothéquer la prochaine moisson.

De deux autres bons lits la Cuisine est garnie,
Dont les rideaux sur le satin
N’étalent point la broderie ;
Ils sont tout uniment de cadix gris-de-lin,
Dont la foible couleur par le tems s’est ternie,
Et de bergame rase, ornement précieux,
Qui tapissa chez nos ayeux
La salle de cérémonie.

C’est dans ces lits délicieux
Que je puis recevoir d’un cœur franc et joyeux
Un supplément de compagnie ;
Et ma servante, alors complaisante et polie
Déloge, et va coucher, traversant le chemin,
Avec la fille du voisin.

Quand la blonde Cérès, de son or salutaire
Déchargeant les guérets, et l’étalant sur l’aire,
S’apprête à nous combler de ses présens nouveaux,
Je m’amuse en dînant, je me distrais la vue
Par ma fenêtre défendue
Des rayons du Soleil, au moven des rézeaux,