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Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/393

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BRETAGNE

Mes amours aimeront la lande, la montagne,
Et la champêtre église et les caps écartés.

Des paysans bretons je peindrai les chaumières,
Et, sans rien dédaigner de tous leurs alentours,
Je dirai les brebis revenant des bruyères,
Et les porcs ramenés par les petits patours.

Je dirai les enfans jouant devant la porte,
La fermière abreuvant les vaches au lavoir,
Les passereaux de l’aire et le char qui rapporte
L’ajonc pour les chevaux à la brune du soir.

Joie et douleur du toit, vous serez mon domaine.
Durant d’assez longs temps on a chanté les rois,
Et les vagues ennuis que le riche promène ;
Poète du foyer, j’y planterai la croix.

Le temps n’est pas venu de me jeter au drame,
Mon tableau sera simple et sans déchiremens ;
Je dirai les amis, et l’enfant, et la femme,
Et les deuils résignés et les recueillemens.


LA CABANE ÉBOULÉE
I

Frère, la châtelaine a quitté le manoir ;
Elle a vers d’autres bords dirigé sa volée,
Du moins pour quelques jours ; dans ma vie isolée,
Que puis-je faire alors ? tu le voudrais savoir.

Je lis, le jour durant ; et quand le brun du soir
Arrive à mon foyer, je vais dans la vallée ;
Je vois monter la lune, et la côte voilée
Envoie un long murmure au fond du taillis noir.

Puis j’ai mille autres lieux où je me plais encore ;
Peu de chose m’attire ; un rocher que décore
Le lichen des vieux jours, un remous du ruisseau.
 
Un courlieu qui se plaint sur les gués de la grève,
Un tertre doù l’on peut ouïr, pendant qu’on rêve,
Le marteau des calfats radoubant le vaisseau.