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BRETAGNE

Enfant, j’entrais alors ; mais les jours et les ans
Ont passé sans ternir les souvenirs d’enfants,
Et d’autres jours viendront, et des amours nouvelles,
Et mes jeunes amours, mes amours les plus belles,
Dans l’ombre de mon creur mes plus fraiches amours,
Mes amours de quinze ans, refleuriront toujours !
 

*

Du bois de Ker-Mélô jusqu’au moulin du Teir,
J’ai passé tout le jour sur le bord de la mer,
Respirant sous les pins leur odeur de résine,
Poussant devant mes pieds leur feuille lisse et fine,
Et d’instants en instants, par-dessus Saint-Michel,
Lorsque éclatait le bruit de la barre d’Enn-Tell,
M’arrètant pour entendre : au milieu des bruyères,
Carnac m’apparaissait avec toutes ses pierres,
Et parmi les men-hir erraient comme autrefois
Les vieux guerriers des clans, leurs prêtres et leurs rois.
Puis, je marchais encore au hasard et sans règle.
C’est ainsi que, faisant le tour d’un champ de seigle.
Je trouvai deux enfants couchés au pied d’un houx,
Deux enfants qui jouaient, sur le sable, aux cailloux ;
Et soudain, dans mon cœur cette vie innocente,
Qu’une image bien chère à mes yeux représente,
O Maï ! si fortement s’est mise à revenir,
Qu’il m’a fallu chanter encor ce souvenir.
Dans ce sombre Paris, toi que j’ai tant rêvée,
Vois ! comme en nos vallons mon cœur t’a retrouvée !
À l’âge qui pour moi fut si plein de douceurs,
J’avais pour être aimé trois cousines (trois sœurs) ;
Elles venaient souvent me voir au presbytère ;
Le nom qu’elles portaient alors, je dois le taire :
Toutes trois aujourd’hui marchent le front voilé,
Une près de Morlaix et deux à Kemperlé ;
Mais je sais qu’en leur cloître elles me sont fidèles,
Elles ont prié Dieu pour moi qui parle d’elles.
 
Chez mon ancien curé, l’été, d’un lieu voisin
Elles venaient donc voir l’écolier leur cousin,
Prenaient, en me parlant, un langage de mères ;
Ou bien, selon leur âge et le mien, moins sévères,