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BRETAGNE

ÉLISA MERCŒUR

(1809-1835)


« Type douloureux de ces muses précoces trop vite encouragées pour être oubliées plus vite encore », Élisa Mercœur naquit à Nantes le 24 juin 1809. Elle dut son nom à la rue où elle vit le jour. Abandonnée par son père dès le berceau, elle reçut néanmoins l’éducation de la bourgeoisie, et marqua un goût très vif pour les lettres en débutant au Lycée armoricain. Ses premiers vers datent de sa seizième année. Ils furent recueillis et publiés à Nantes par l’éditeur Mellinet-Malassis, en 1827. Le succès en fut si grand que Crapelet en donna une nouvelle édition en 1829[1], et que Chateaubriand n’hésita pas à faire un chaleureux éloge du nouvel auteur. Avide de gloire, Élisa Mercœur vint à Paris et obtint du roi Charles X, par l’entremise de M. de Martignac, une pension de 1,200 livres. Elle connut une heure de notoriété, mais éprouva par la suite les disgrâces de la fortune. La perte de ses illusions fut la cause de sa fin prématurée. La révolution de 1830, en ruinant un parti dévoué aux Bourbons, renversa les espérances de la Muse. Les ministres de Louis-Philippe n’eurent pas honte de supprimer sa pension. Les vers ne se vendant plus, elle se mit, pour vivre, à donner des leçons aux enfants de son quartier. Epuisée par une maladie de langueur et par la misère, elle s’éteignit le 7 janvier 1835, à vingt-six ans. On a dit que sa mort fut hâtée par le refus qu’essuya, du sieur Taylor, directeur de la Comédie française, sa tragédie Boabild. Chateaubriand parut en tête des rares amis qui suivirent son cercueil. Une telle fin provoquée par des circonstances touchantes, la jeunesse, la beauté de cette « poétesse grecque », la grâce attendrissante de ses vers, créèrent dans le public un mouvement d’émotion. Pendant longtemps, de pieux admirateurs s’en allèrent pèleriner vers son tombeau, au cimetière du Père-Lachaise. Là, sur une pierre rongée par l’humidité, on pouvait encore, ces dernières années, lire, avec son nom, quelques-unes des stances qu’elle laissa pour réagir contre l’indifférence des générations. Ses œuvres, réunies pieusement par les soins de sa mère, ont fait l’objet d’une édition définitive, publiée en 1843, avec un beau portrait

  1. Poésies de Elisa Afercœur {de Nantes), sec. édit. augm. de pièces nouvelles, Paris, Crapelet, 1829, in-12. C’est un livre rare.