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LES POÈTES DU TERROIR

de Devéria : Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, de Nantes, etc. ; Paris, chez Mme Vve Mercœur, rue de Sèvres 120 (3 vol. in-8o).

Bibliographie. — Jules Claretie, Élisa Mercœur, H. de la Morvonnais, etc. ; Paris, Bachelin-Deflorenne, 1864, in-12. — G. Viau et Dominique Caillé, Élisa Mercœur, Paris, impr. V.-A.-Cresson, 1889, in-8o.


À M. DE CHATEAUBRIAND


Foyer secret du cœur, invisible pensée,
Au douteux avenir livre mes premiers chants.
Que ta voix est tremblante ! Ose donc, insensée :
L’oreille qui s’incline entendra tes accents.
Mais l’aurore au midi ne saurait être égale ;
Le ciel n’est embrasé qu’à l’exil du printemps :
Mon âme, de tes feux comble cet intervalle ;
Vieillis-moi, s’il se peut, et dérobe le temps.
Quoi ! pas un de mes jours n’a laissé de mémoire ?
Quoi ! mon nom reste encor dans l’ombre enseveli ?
Ah ! pour moi chaque instant qui s’écoule sans gloire
Est un siècle fané par la main de l’Oubli !
Mais toi, chantre sublime, à la voix immortelle,
Demain, si tu l’entends, la mienne qui t’appelle
Aura des sons plus purs que ses chants d’aujourd’hui.
Ainsi l’on voit le faible lierre
Mourir lorsqu’il est sans appui :
Si le chêne lui prête un rameau tutélaire,
Il s’attache, il s’élance, il s’élève avec lui.

Voyez de ce roseau trembler la faible cime :
Au moindre souffle il penche et frémit sur l’abîme.
Ah ! bravons l’aquilon qui le vient agiter !
S’illustre-t-on jamais quand on n’ose monter ?
Le cèdre s’est caché sous le voile de l’herbe,
Avant qu’arbre géant il grandît à nos yeux ;
Il monte encor, son front superbe
S’étend, et s’approche des cieux !
Passagers d’un moment, sans effroi du naufrage
Gaiement de notre asile abandonnons le seuil.
Eh ! qu’importe, après tout, que, pendant un orage,