Notre vaisseau brisé nous jette sur l’écueil !
Sur les flots, moins émus si notre voile flotte,
Passons, mêlons un hymne aux chansons du pilote.
À toi-même, dans ton matin,
Le Bonheur qui fuyait oublia de sourire ;
Subjugué maintenant par les sons de ta lyre,
Ce Bonheur tant rêvé s’attache à ton destin.
Par un instinct inné qui dispose de l’âme.
Ta voix, qui s’unissait aux longs soupirs des mers,
Surprenantdans ton cœurdespensers pleins de flamme,
Dans les temps d’infortune a trouvé des concerts.
Tu rejetas le fruit qui meurt lorsqu’on le cueille ;
La gloire pour ton front laissait croître un laurier ;
Marchant sans regarder le gazon du sentier,
Tu méprisas la fleur qui sous le pied s’effeuille.
Par toi, la Vérité, comme un divin flambeau,
S’échappa de la nuit, du silence et du doute ;
Et pour lever les yeux vers la céleste voûte,
L’ignorance vaincue arracha son bandeau.
Ton luth aux nobles sons, par un vent de caprice,
Lorsque tu le touchais ne fut point agité ;
Sa corde, que jamais n’effleure l’injustice,
Eut même dans l’exil des chants de liberté.
Mais il est des moments où la harpe repose,
Où l’inspiration sommeille au fond des cieux.
Où les gouttes du ciel qui baignaient une rose,
En séchant pur degrés, n’humectent plus la fleur.
Dans ces instants de rêverie,
Où ton luth sans accords est muet sous tes doigts,
Comme un son fugitif de quelque note amie
Accueille doucement un accent de ma voix,
Caresse le présent au nom de l’espérance,
Songe au peu de saisons que j’ai pu voir encor,
Et combien peu ma bouche a puisé d’existence
Dans le vase rempli dont je presse le bord.
Tends une main proprice à celui qui chancelle ;
J’ai besoin, faible enfant, qu’on veille à mon berceau ;
Et l’aigle peut, du moins, à l’ombre de son aile,
Protéger le timide oiseau.