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BRETAGNE

TRISTAN CORBIÈRE

(1845-1875)


Edouard-Joachim [dit Tristan] Corbière naquit à Coat-Congar, à quelques lieues de Morlaix, le 18 juillet 1845. Son père, Edouard-Jean-Antoine, natif de Brest, capitaine au long cours, fut l’auteur de quelques romans maritimes, entre autres Le Négrier (1832, 4 vol. in-12), œuvre fort singulière « dont la préface décèle, selon M. Remy de Gourmont, un esprit très hautain et dédaigneux du public ». Tristan Corbière fit ses études au lycée de Saint-Brieuc jusqu’à l’âge de seize ans, époque à laquelle se manifesterent les premiers symptômes du mal qui devait l’emporter. Les soins incessants de sa mère et un séjour de deux années à Roscoff, au milieu des pècheurs, raffermirent sa santé. Il vint ensuite se fixer à Paris, et ne fit guère d’apparitions dans sa province, si ce n’est pour vagabonder avec ceux qu’il a si parfaitement dépeints. « Blasé très jeune, atteint d’une sorte de spleen, écrit un de ses biographes, M. Vincent Huet, son père, afin de le distraire, lui fit construire un sloop de plaisance. À partir de ce moment, il fut toujours en mer, ne couchant plus que dans un hamac et toujours vêtu en matelot, avec le suroît, la grosse capote et les larges bottes de bord… » À Paris, il se lia avec de nombreux artistes et, en 1873, collabora, sous le pseudonyme de Tristan, à La Vie parisienne. Il réunit la même année ses premiers vers et les fit paraitre en une édition de luxe qu’il orna d’un étrange frontispice à l’eau-forte (Les Amours jaunes, etc. ; Paris, Glady, 1873, in-8o).

Terrassé par une affection de poitrine, il fut transporté à la maison Dubois. Il ne se fit guère illusion sur son sort et alla mourir à Morlaix le 1er mars 1875.

On a défini l’art de Tristan Corbière : « Pas de la poésie et pas du vers, à peine de la littérature — un métier sans intérèt plastique ; — l’intérêt est dans le cinglé, la pointe sèche, le calembour, la fringance, le haché romantique… »

Il aima la mer passionnément, ainsi que les siens l’avaient aimée, et la chanta en une forme åpre, violente, ironique, le plus souvent amère. Son vers se ressent du caprice des flots, du gros temps et de la tempète qu’il éprouva souvent au large de Roscoff ; il en a les mouvements prompts, les arrêts brus-