Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
435
BRETAGNE

Un coup de mer plombé, puis la haute mâture
Fouettant les flots ras — et ça se dit sombrer.

— Sombrer. — Sondez ce mot. Votre mort est bien pâle
Et pas grand’chose à bord sous la lourde rafale…
Pas grand’chose devant le grand sourire amer
Du matelot qui lutte. — Allons donc, de la place ! —
Vieux fantôme éventé, la Mort change de face :
La Mer !…

Noyés ? — Eh ! allons donc ! Les noyés sont d’eau douce.
— Coulés ! corps et biens ! Et jusqu’au petit mousse,
Le défi dans les yeux, dans les dents le juron !
À l’écume crachant une chique raclée,
Buvant sans hauts-de-cœur la grand’tasse salée
Comme ils ont bu leur boujaron.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


— Pas de fond de six pieds, ni rats de cimetière ;
Eux, ils vont aux requins ! L’âme d’un matelot,
Au lieu de suinter dans vos pommes de terre,
Respire à chaque flot…

— Ecoutez, écoutez la tourmente qui beugle !…
C’est leur anniversaire. — Il revient bien souvent. —
Ô poète, gardez pour vous vos chants d’aveugle ;
— Eux : le De profundis que vous corne le vent.

Qu’ils roulent infinis dans les espaces vierges !…
Qu’ils roulent verts et nus,
Sans clous et sans sapin, sans couvercle, sans cierges…
— Laissez-les donc rouler, terriers parvenus !

(À bord, 11 février.)


SAINT TUPETU DE TU-PE-TU

C’est au pays de Léon. — Est une petite chapelle à saint Tuputu (en breton : D’un côté ou de l’autre).

Une fois l’an, les croyants — fatalistes chrétiens — s’y rendent en pèlerinage, afin d’obtenir, par l’entremise du saint, le dénouement fatal de toute affaire nouée : la délivrance d’un malade tenace ou d’une vache pleine, ou tout au moins quelque signe de l’avenir : tel que c’est écrit là-haut. — Puisque cela doit être, autant que cela soit de suite… d’un côté ou de l’autre…