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BRETAGNE


Cent ans après, le champ de bataille d’Armor,
Immense, avec ses os blanchis, semblait encor
Plus lugubre, en ce coin de la terre bretonne,
Où l’Océan, mélancolique et monotone,
Rythme éternellement le Psaume de la Mort.
Alors, les chefs du peuple et les prêtres d’Armor
S’assemblèrent, un jour, dans ce champ solitaire.
Et, recueillant les os, jonchant au loin la terre,
Le peuple satisfit la volonté des Dieux,
En creusant une tombe aux mânes des aïeux.
Mais aux grands ouvriers il faut de grandes œuvres ;
Ces remueurs de rocs, audacieux manœuvres,
Travaillèrent, d’instinct, pour la postérité,
Et firent comme un pacte avec l’éternité.
Ils voulaient, ces géants, que l’œuvre fût de taille
À célébrer la prodigieuse bataille :
Et là, ces primitifs dressèrent, de leurs mains.
Le plus stupéfiant des monuments humains.

(L’Ere bretonne.)


SCIENTIFIQUE DISSERTATION
sur l’ivrognerie bretonne


Je vois des ventres-creux qui vivent d’une croùte.
Je vois même de gros empiffreurs de choucroute.
Je vois des gens d’esprit, des malins, des penseurs,
Des vieux portant besicle, austères et censeurs,
Je vois des aigrefins, faisant les difficiles,
Des cuistros, des goujats, des sots, des imbéciles,
Des goinfres, des lourdauds, des bâfreurs, des Normands
Qui nous accusent d’être ivrognes et gourmands.
Oui, je sais qu’on en rit. Et je sais qu’on en cause.
Eh bien, que voulez-vous, c’est le climat, la cause.
Allez, vous dis-je, allez : courez tous les pays.
L’Arabe se remplit le ventre de maïs.
Le superbe Espagnol, dont l’haleine est étrange,
Vit d’une gousse d’ail et d’un quartier d’orange.
Les pouilleux de Florence et les lazzaroni
Vivent de l’air du temps et de macaroni.