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LES POÈTES DU TERROIR

SYBIL



Deux recueils de poèmes, La Guirlande des Jours et Les Accords, publiés l’un en 1902 et l’autre en 1904, par les soins du Mercure de France, ont répandu dans un cercle restreint ce pseudonyme énigmatique. On a goûté ces vers souples et mélodieux où chante l’âme du pays, mais sans rien connaître de leur auteur. Alsacienne par son père, lorraine par ses ascendants maternels, « Sybil » est née à Strasbourg en 1881 et semble n’avoir jamais quitté son pays d’origine. Sa poésie est mystérieuse, émouvante comme les sites qu’elle célèbre. Tantôt noyée de brume, ou bien à demi colorée, elle évoque le décor de petites villes provinciales, de bourgs étagés dans la montagne, de sapinières immobiles et muettes sous la bise de l’est ou du nord. Des souvenirs indiscrets s’y attachent, vision brusque d’ancien régime, mirage d’antiques chevauchées :

Taïaut ! La neige claire
Marque les pistes, au bois :
Je songe que mon grand-père
Etait louvelier du Roy…

Mlle  « Sybil » (son premier recueil portait ce nom : Sybil O’Santry) a collaboré au Mercure de France et à la Revue alsacienne illustrée.



AQUARELLE


Comme les plis tombants d’une toge héroïque,
Cachant la dure chair de la montagne antique,
La forêt de sapins s’éploie.

Le matin vient baiser les cimes par le front,
Et le couvent qui dort, paisible, sur le mont,
Comme un vieillard heureux, s’éveille.

La plaine est à ses pieds, parée, diverse et douce,
Le vent caresse les cheveux des moissons rousses,
Les vignes lourdes penchent.