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LES POÈTES DU TERROIR


« De vous garder l’âme naïve,
Le cœur tendre et l’esprit flottant,
Pour passer ainsi que l’eau vive
Qui passe toujours en chantant !

— Oh ! non, m’a-t-elle dit sans feinte,
Je ne m’en vais pas au Pardon
Pour offrir un cierge à la sainte
Patronne de notre canton ;

« Je vais acheter des amandes
Dont mon père Efflam est friand,
Et pour mes sœurs, qui sont gourmandes.
Des galettes de Lorient.

« Je verrai le grand feu de joie
Qu’allume monsieur le recteur,
Un si grand feu qu’il se déploie
Jusqu’à cent mètres de hauteur ;

« Je verrai la face de brique
Du viel ivrogne Kosmao,
Sonnant, debout sur sa barrique,
La Ronde ou le Jabadao ;

« Je montrerai ma robe neuve
Aux demoiselles du manoir
Qui, depuis que leur mère est veuve,
Portent du noir, rien que du noir ;

« Et quand j’irai sur les pelouses
Danser le passe-pied, je crois
Que je ferai bien des jalouses.
Avec mon corsage et ma croix ! »

M’ayant fait cette confidence,
Marivonnik, son cotillon
Relevé comme pour la danse,
Disparut derrière un sillon…

Et je n’ai rien vu, par le monde,
Qui m’ait plus doucement troublé
Que cette petite enfant blonde
Parmi les blonds épis du blé !

(Enfants bretons.)