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BRETAGNE

Et, sur les coteaux gris, étoiles de bruyères,
Le linge blanc s’empourpre à la rougeur des soirs.

Au loin, fument des toits, sous les vertes ramées,
Et, droites, dans le ciel, s’élèvent les fumées.

Tout proche est le manoir de Keranglaz, vêtu
D’ardoise, tel qu’un preux en sa cotte de maille,
Et des logis de pauvre, aux coiffures de paille,
Se prosternent autour de son pignon pointu.

Or, par les sentiers, vient une fille, si svelte
Qu’une tige de blé la prendrait pour sa sœur ;
C’est la dernière enfant d’un patriarche celte.
Et sa beauté pensive est faite de douceur.

Elle descend, du pas étrange des statues,
Et, soudain, au lavoir, les langues se sont tues.

L’eau même qui susurre au penchant du chemin
Se tait, sous ses pieds nus qui se heurtent aux pierres.
On voit courir des pleurs au long de ses paupières,
Et sa quenouille pend, inerte, de sa main…

L’étang mire, joyeux, des fronts de lavandières,
Et sait pourtant quel deuil ils porteront demain !…


TOURNE, MON ROUET…


Tourne, mon rouet, tourne encore !
Enroulez-vous sur le fuseau,
Flocons de lin couleur d’aurore,
Plus légers que duvet d’oiseau !

Tourne, mon rouet, tourne encore !

Ainsi la vieille au chef branlant,
Avec le lin clair, va filant
Son plus doux rêve.
À l’angle vide du foyer
La résine fameuse achève
De rougeoyer.

Et sur leurs tâches, les servantes
Somnolent d’un sommeil hanté
Par d’indicibles épouvantes…