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LES POÈTES DU TERROIR

Du temps que, dans un coin de la route, à l’écart
L’attendait à genoux son clerc, Yvo Congard.

Il la priait alors, ainsi qu’une madone,
Et le monde aujourd’hui prétend qu’il l’abandonne !
Lévénez a henni… Sa maîtresse a passé ;
Sans entendre et sans voir, triste, le front baissé,
Tryphine au sombre étang va consulter les ondes.
Le destin noir qui dort au fond des eaux profondes.


De son corsage elle a tiré
L’épingle qui fixait son châle,
Et des mots, sur sa lèvre pâle,
D’étranges mots ont soupiré.

Au bord du ciel breton se penchent les étoiles,
Et les brumes, pour voir, ont soulevé leurs voiles.
À nouveau, dans les prés, Lévénez a henni…
On dirait qu’une angoisse oppresse l’infini.

L’eau sainte a donné sa réponse.
L’amour ne sera pas vainqueur…
Telle qu’un poignard dans un cœur.
L’épingle dans l’étang s’enfonce.


PAYSAGE TRÉGORROIS


Ô grand pays religieux,
Pavé de pierres sépulcrales.
Un jour sombre te vient des cieux
Par des vitraux de cathédrales !

… Vous avez peut-être passé
Dans le sentier des primevères.
Sur l’horizon, plane, dressé,
Le groupe noir des « Cinq Calvaires ».

Ils sont là cinq christs, tous pareils,
Aux faces mornes et ridées,
Que font grimacer les soleils,
Que font larmoyer les ondées.

À l’entour, des pins rabougris,
Tordus au vent des épouvantes,