Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
486
LES POÈTES DU TERROIR

LE TOMBEAU DU BARDE QUELLIEN

Kaner flour housk da hun breman
Ha da venez rai awel han
Da ruskell d’hunit divezan !
(Quellien.)


Jetez sur ce tombeau la fleur d’or des ajoncs,
Renaissante en tous temps, pareille à la légende
Où l’âme des aïeux habite et nous commande
La route sûre, alors que nous l’interrogeons.

Dans la nuit fée arrête ton pied vagabond,
Passant, pour que ton cœur, s’il en est digne, entende
Sur la forêt immémoriale et la lande
Un chant mystérieux tomber du ciel profond :

La harpe de Merlin a tressailli. Le barde
Quellien a franchi le seuil où se hasarde
Seul qui, portant le sceau fatal de l’inspiré,

Peut d’une main de gloire ébranler l’heptacorde,
Et les Vierges de Sein, baisant son front lauré,
Le mènent à Jésus pour la miséricorde.


AUTOMNE EN MER


Le vent déhâle du noroît : la mer moutonne.
Cette heure est puissante et pleine. Je me souviens
Des jours ardents, puis des jours abajoniens.
Le soleil et mon cœur entrent dans leur automne.

Quel regret dans la voix de la vague chantonne ?
L’écho de mes désirs d’autrefois s’est éteint.
Emotions dont j’ai vécu, fleurs du destin
Toutes mortes, les vénéneuses et les bonnes.

Passé d’hier, aussi lointain que l’horizon…
Voici qu’une odeur fauve d’arrière-saison
Se mêle à l’âcre embrun qui fouette mes narines ;

La paix vient sur la mer du feu occidental.
Est-ce un temple, ou est-ce un sépulcre, ma poitrine
Qui se tient large ouverte à la brise d’aval ?

(La Porte d’or.)