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LES POÈTES DU TERROIR

quête. Il s’est élevé si haut que l’orgueil lui a donné le vertige. Il faut qu’il redescende au rang d’une simple province. Philippe-Auguste le confisquera sur Jean sans Terre, avec les possessions franco-anglaises, et Louis XI, par l’héritage de Charles IV, comte du Maine, le réunira à la couronne. Il connaîtra alors la quiétude du repos, au sein même de cette unité française à laquelle il a si puissamment collaboré. Avec le dernier de ses ducs, René d’Anjou, surnommé le bon roi René, il commencera une ère nouvelle, propre au commerce des lettres et à la culture des arts. Aussi bien n’aura-t-il plus de dynastie turbulente à entretenir. Fier d’un prestige glorieux, il sera l’apanage de quelques princes appartenant aux maisons régnantes. Sa vie propre se confondra avec celle de la nation ; ses luttes, les convulsions qu’il éprouvera : guerres religieuses au xvie siècle, insurrection royaliste au xviiie, seront moins l’effet des revendications provinciales que les luttes et les convulsions du peuple français. Le cours des siècles l’aura assagi, au point de lui retirer tout esprit d’initiative. Plus qu’aucune autre agglomération sociale, l’Anjou concourra à l’équilibre du pays entier. On pourra dire justement qu’il recevra des idées toutes faites, les adoptera, attendra les événements et les suivra avec docilité.

Alors « la douceur angevine », pour parler le langage du poète, ne sera point un vain mot, mais l’expression même de son génie littéraire.

Pays fertile, sol riant à demi couvert jadis de trente-trois forêts, et baigné par quarante-neuf rivières, sur une étendue de trente lieues à peine de long, l’Anjou séduit le voyageur par la pureté de son atmosphère et par la diversité de ses aspects. Ici la plaine fluviale confine aux landes bretonnes : là ce sont des bocages, des haies vives, des coteaux, des vallons agréablement parsemés de villages proprets et clairs. Il n’est point jusqu’au sous-sol d’ardoise fine qui ne lui prête un charme particulier, en harmonie avec sa couleur locale. Rien de heurté ni de trop cru, mais une belle humeur communicative, semble-t-il, des hommes et des choses. Ajoutez à cela un naturel sans apprêt, de la grâce, de la simplicité, une pointe de malice, et vous aurez défini le caractère de cette belle province et de ses habitants.

Là, le paysage n’a point créé le type, mais il a contribué à le façonner. S’il faut situer le berceau de la Renaissance française, c’est sur les bords de la Loire, à proximité d’Angers, que nous le placerons de préférence à tout autre lieu. Mais la Renaissance, en s’y fixant, n’innova rien. Montant d’Italie, elle savait par ouï-dire que la patrie du roi René offrait un décor approprié à sa grâce nonchalante et voluptueuse. Peintre et poète, le bon roi ne devait jamais oublier, au milieu de ses pérégrinations sans nombre, cette terre angevine qui l’avait vu naître et où s’étaient fixées ses premières impressions. Qu’on lise quelques-unes