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LES POÈTES DU TERROIR


Alors mon compagnon s’asseyait sur la pierre :
Ses moutons, effrayés par la fuite du jour,
Bêlaient lugubrement, le nez sur la bruyère,
Et flairaient un danger dans le murmure sourd.

Lui, sans plus de souci, confiant dans sa force,
Il gourmandait son chien, rudoyait le troupeau ;
D’un arbuste naissant il arrachait l’écorce
Et, rustique ouvrier, se taillait un pipeau.

La nuit s’épaississait, et les étoiles douces
Semaient de blanches fleurs le velours bleu du ciel ;
Leur tremblante clarté venait frôler lès mousses,
Gomme les pieds divins de Mab et d’Ariel.

C’était l’heure où les morts qu’évoquent les légendes
Sous la lune blafarde errent les bras tendus ;
Où les menhirs géants, allongés sur les landes,
Semblent poursuivre au loin les passants éperdus.

Le pasteur entonnait une chanson bretonne :
Oh ! qu’il est triste et doux d’écouter cette voix,
Qui, sur un rythme lent, plaintif et monotone,
Mêle l’âme de l’homme aux murmures des bois !

(Dans la bruyère.)