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LES POÈTES DU TERROIR

Ouvrage-la, Poète, avec un saint amour,
Puis fleuronne-la de dentelles,
Et qu’elle vibre et qu’elle chante, étant à jour,
Au souffle des voix immortelles !
Que le bleu des midis, que la pourpre des soirs,
Librement, passent dans ton âme,
Et qu’au milieu des ciselures d’ostensoirs
Brille l’inextinguible flamme.
Toi qui rêves, ouvre ton cœur à tous les vents,
Et qu’à travers l’âme sans voiles,
La complainte des morts et le chant des vivants
Montent, le soir, jusqu’aux étoiles.


Tel, je rêvais, et le Kreisker, troueur d’azur,
Aux clartés que la lune épanche.
Dressait toujours son geste symbolique et sûr,
Geste de Christ, dans la nuit blanche.

(Les Houles.)


À BRIZEUX


Ce fut par une très dolente aube d’automne
Que j’entrai dans ton cher pays, ô doux Brizeux ;
Tes vers me fleurissaient aux lèvres, et mes yeux
Contemplaient gravement la campagne bretonne.

Dans le gris d’un décor calme où rien ne détonne,
La pluie avait perlé ses pleurs silencieux
Au bout de chaque branche errante sous les cieux,
Et le vent me berçait de son chant monotone.

Je vis ainsi le Scorff, l’Isole et la Laita,
Fleuves aux noms chantants au bord desquels chanta
Ton enfance, d’amour et de rêve inquiète ;

Et de ton âme un peu mon âme fut la sœur
À l’heure où, pour te mieux comprendre, j’eus, poète
Ton pays dans les yeux et tes vers dans le cœur !