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LES POÈTES DU TERROIR

mier soin était de faire imprimer sans relâche les recueils qu’il rapportait d’Italie. Dans le seul espace d’une année, il publia les Antiquitez, Les Jeux rustiques et Les Regrets. Une telle fécondité n’alla pas sans lui attirer de graves ennuis. Dénoncé pour ses satires contre la cour romaine (cf. Les Regrets), il allait se justifier aux yeux du cardinal, son ancien maître, quand un événement inattendu vint mettre le comble à sa disgrâce. Son unique protectrice, la princesse Marguerite, celle qu’il ne cessa jamais de célébrer, épousait le duc de Savoie et quittait la maison de France. Sensible jusqu’à la superstition, il vit dans ce « département » un terrible coup du destin. Son chagrin fut tel qu’il n’eut pas le courage de réagir.

Quelque temps après, le 1er janvier 1560, il mourait d’une attaque d’apoplexie foudroyante, chez son compatriote Bizet, au cloître Notre-Dame. Il fut inhumé dans la chapelle de l’église cathédrale affectée à la sépulture des chanoines. On ne sait ce que devinrent ses restes. Trois siècles après, un de ses admirateurs fervents, M. Léon Séché, à qui l’on doit de remarquables travaux sur sa vie, son œuvre et ses compagnons de la Renaissance, lui fit ériger à Ancenis, tout au bord de la Loire, en face du petit Liré, un beau monument, sur un terre-plein toujours fleuri, « d’où il peut voir fumer les cheminées de son cher village ».

Bibliographie. — Léon Séché [Études sur Joachim du Bellay] ; Revue de la Renaissance, 1901-1902. — Henri Chamard, J. du Bellay ; Lille, au siège de l’Université, 1900, in-8o.



SONNET

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage.
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son aage !

Quand revoiray-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Revoiray-jeo le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaist le sejour qu’ont basty mes ayeux,
Que des palais romains le front audacieux.
Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine ;